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©Cécile Marson

Tours d'Horizons

Michèle Murray (Artiste associée) - "TIME" (création)

14/06/2024 - 20h00 > CCNT
15/06/2024 - 20h00 > CCNT

En compagnie de sept fidèles interprètes, Michèle Murray engage entre rigueur et liberté une réflexion sur le temps, en prise avec notre époque.

Michèle Murray s’empare pour sa nouvelle création, TIME, d’une notion fondamentale en danse, par laquelle le présent devient le passé : le temps. « Comment étirer, resserrer, densifier ou dilater ce temps que nous passons ensemble, avec les interprètes, avec le public ? Comment faire coexister plusieurs temps au plateau et quelles sensations sont ainsi convoquées ? Quelles histoires racontent nos corps lorsqu’ils sont soumis à différentes temporalités ? » À l’écoute du sens et du sentiment d’implacabilité que nous procure le temps, mais aussi des ouvertures possibles, la chorégraphe s’est mise, comme pour ses précédents projets, à l’écoute des interprètes, de leurs imaginaires et des traces du monde qu’ils portent en eux. À partir de multiples jeux chorégraphiques, Michèle Murray convie sept interprètes à composer à partir de plusieurs strates de travail et un champ d’actions créatrices infinies. En lien avec des artistes fidèles, et avec une matière musicale entre son saturé et silence, TIME émerge de cette conception ouverte de la danse entre rigueur et liberté.

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With seven faithful players, Michèle Murray engages in a reflection on time, between preciseness and freedom, related to our era.

 

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ENTRETIEN AVEC MICHÈLE MURRAY AUTOUR DE TIME 

Comment est née l'idée de faire du temps le sujet central de votre nouvelle création, TIME ?

Depuis quelques années déjà, je m’intéresse à la chorégraphie pour des espaces divers, plus particulièrement, la boite noire d’un théâtre et l’espace muséal. En 2021, j’ai commencé un projet au long cours pour les espaces muséaux, DUOS / COLLISIONS ET COMBUSTIONS. Dans ce travail, les corps des interprètes deviennent des « corps objets », dans un rapport au temps proche de celui de la sculpture. À peu près au même moment, nous avons commencé à travailler sur EMPIRE OF FLORA, créée pour la boite noire d’un théâtre. Dans cette pièce, j’ai voulu travailler sur l’idée d’un « printemps de corps », et donc les notions de foisonnement et de saturation, à la fois dans les corps, dans la chorégraphie et dans le son. La question que nous nous posons dans ce nouveau projet TIME provient de ces deux expériences. Avec les connaissances que nous avons acquises, comment créer une pièce qui intègrerait ces deux manières d’envisager le rapport au temps ? Comment modeler et jouer avec le temps ? Et aussi, comment rendre la sensation du temps à travers la chorégraphie, les corps, la lumière, le son ?

 

Comment avez-vous abordé cette question avec les interprètes ?

Les interprètes de TIME avaient déjà travaillé avec moi sur l’une ou l’autre de ces pièces, et avaient donc traversé au moins l’une de ces expériences. Nous sommes donc tout simplement partis du matériel physique existant dans ces deux pièces ainsi que des sensations et affects que ce matériel faisait naitre. Nous avons ensuite cherché à étirer ou densifier ce matériel. Nous avons aussi expérimenté comment faire cohabiter ces matériaux qui font exister le temps différemment.

 

Votre écriture scénique s’appuie en grande partie sur l’écriture instantanée. Comment faites-vous rencontrer cette pratique d’improvisation de la danse avec votre écriture pour le plateau ?

Assez tôt dans mon parcours, je me suis tournée vers la pratique de l’écriture instantanée, car ce que je voulais voir au plateau était impossible à créer avec des procédés classiques de composition. L’écriture instantanée est une pratique assez courante en danse contemporaine, principalement utilisée pour le travail de recherche, plus rarement « en direct » au cours de la représentation. En ce qui me concerne, je la pratique dans le sens où, plutôt que de « pré-écrire » la danse avec ou pour les interprètes, nous inventons ensemble des motifs chorégraphiques qui sont ensuite soumis à tout une série de règles spatiales, temporelles et relationnelles. Ces règles et motifs chorégraphiques sont différents à chaque projet. D’une certaine manière, je peux dire que ce mode de composition est devenu mon « style » ; il est un des paramètres qui fait la spécificité de mon travail. Je pense que je travaille ainsi car je trouve que ce mode de composition permet de relier rigueur et liberté artistique. Il confère par ailleurs beaucoup de force aux interprètes. Cela étant dit, dans nos projets plus récents, j’ai eu envie de mêler écriture instantanée et écriture sur un mode plus classique, car ces deux modes de composition ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients. Je veux surtout me sentir libre, et m’autoriser à écrire de la manière qui sert le mieux chaque projet.

 

La création sonore a été réalisée par le compositeur Benjamin Gibert. Pouvez-vous nous parler de votre collaboration et particulièrement du travail de recherche qui s’est opéré autour de l’univers du piano ?

TIME est notre première collaboration. Celle-ci est née du fait que je souhaitais aborder un travail qui partirait de l’instrument piano, tout en s’autorisant l’utilisation d’autres instruments. Ceci pour différentes raisons, la principale étant que j’aime aborder de nouveaux univers à chaque projet créé. Comme nous en studio, Benjamin Gibert a travaillé à partir des expériences menées sur les deux pièces précédentes dont je viens de parler, c’est-à-dire d’un côté la saturation sonore et le silence, de l’autre la question de l’ordonnancement du temps. Il a d’abord utilisé le son du piano tel qu’on le connaît, puis il a poursuivi en développant la matière sonore du piano. De la même manière que dans la danse et la chorégraphie, ce matériel de départ a fait naître de nouveaux matériaux sonores, électroniques entre autres. Mais comme dans la chorégraphie, ce développement vers d’autres univers sonores contient toujours sa source première et ceci sur toute la durée de la pièce. Comme le temps durant lequel nous faisons de nouvelles expériences mais que nous ressentons aussi à travers le prisme du souvenir de nos expériences passées.

 

Vos projets chorégraphiques, depuis WONDERWORLD (2002), sont souvent pensés pour des plateaux nus. Vous ne recourez jamais à un décor et assez peu à des accessoires. Partir uniquement de la danse, des corps, est-ce une manière de creuser, d’expérimenter davantage ce que le mouvement peut produire ? 

Pour moi, le corps - sa matière, son mouvement et son énergie - constitue toujours le point de départ d’un nouveau projet. Le corps est support, sujet, et objet premier du travail. Les corps et la danse ne servent pas à faire passer un autre message qu’eux-mêmes ; le mouvement et les corps produisent et transmettent des sensations plutôt que des idées, en tout cas, c’est ce qui m’intéresse. Il y a par ailleurs trois éléments qui viennent cohabiter avec les corps et le mouvement : ce sont la lumière, le son et les costumes. Ces quatre éléments donc (en comptant le mouvement et les corps) constituent l’essence des mondes que je souhaite développer. Ils ont pour moi la même place à l’intérieur d’une pièce, dans le sens où chaque élément doit posséder sa logique interne. Aucun élément n’est là pour servir l’autre. En revanche, une fois que les éléments ont trouvé leur propre logique, ils peuvent dialoguer entre eux, notamment à travers le regard du spectateur qui va établir des correspondances et des fictions possibles.

 

Votre parcours s’est continuellement inscrit dans un va et vient entre l’Allemagne, les États-Unis et la France. Vous vous êtes d’abord formée à la danse en Allemagne, puis à New York auprès de Merce Cunningham, et à Movement Research. Vous développez un travail personnel en France depuis les années 2000. Votre travail chorégraphique est t’il empreint de ces différentes expériences artistiques ?

Oui, certainement. Ma formation auprès de Merce Cunningham à New York m’a beaucoup appris. Tout ce qu’il a inventé reste d’actualité et constitue le fondement de comment nous voyons aujourd’hui l’espace, le temps, le rapport à la musique, etc. Et je retiens tout particulièrement son esprit de liberté et de recherche. Je suis aussi très attachée aux connaissances acquises lors de ma formation à la danse classique. Cette danse là aussi fait partie de mon travail et le type de virtuosité présent dans cette danse m’intéresse. D’une certaine danse allemande, je retiens une autre virtuosité que je nomme virtuosité de la présence. Il y a aussi un travail autour du figuratif. Ce sont deux aspects se retrouvent dans mon travail. Par ailleurs, le fait de parler plusieurs langues couramment participe à ma façon de chorégraphier. En effet, je compare souvent ma recherche chorégraphique à la création d’un langage. Pour chaque nouveau projet, les interprètes et moi-même commençons par « créer et apprendre » une nouvelle langue. La chorégraphie est un langage, dont nous apprenons les règles grammaticales, la syntaxe, le vocabulaire. Lorsque nous travaillons, j’utilise souvent des mots issus du monde du langage, de la grammaire par exemple.

 

Informations Pratiques

► 60 min.
play-michele-murray.com
► Aller plus loin en participant à l'atelier Escales avec Michèle Murray autour de la pièce le samedi 15 juin à 11h

Informations Prix

► 12 € / 10 € / 6 € / 5 €
► Prenez un pass !

Distribution

Concept, chorégraphie : Michèle Murray ; Collaboration artistique : Maya Brosch ; Création, interprétation : Alexandre Bachelard, Léo Gras, Vivien Kovarbasic, Baptiste Ménard, Manuel Molino, Léa Vinette, Julien-Henri Vu Van Dung ; Costumes : Michèle Murray et Maya Brosch ; Création musicale : Benjamin Gibert ; Lumière : Catherine Noden 

Production

Production : PLAY - Association Stella; Coproduction : CCN de Tours / Thomas Lebrun (dans le cadre du Dispositif Artiste Associée – 2024-2026), Théâtre La Cigalière Sérignan (dans le cadre du Dispositif Artiste Associée – 2022-2025) ; Accueils en résidence : Pôle de Développement Chorégraphique Bernard Glandier / Didier Théron (en tant qu’Artiste Associée - 20222024), Montpellier Danse (dans le cadre de l’accueil en résidence à l’Agora, cité internationale de la danse, avec le soutien de la Fondation BNP Paribas)

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